Peut-on être sûr que le monde existe en dehors de son propre esprit ?

Oui, et facilement. Il faut commencer par définir “le monde”. Qu’est-ce que la réalité ? On peut trouver 2 façons (équivalentes) de la définir :

1/ la réalité est ce qui existe sans observateur

2/ la réalité est “ce qui continue quand nous, on s’arrête”

Voyez-vous pourquoi ? Pour se mettre d’accord sur ce qu’est “la réalité” quand on est plusieurs observateurs, il faut trouver ce qui ne dépend pas de notre point de vue, c’est à dire ce qui n’est pas relatif. D’où la première définition. Autrement dit la réalité est “par définition”, absolue, elle est là quel que soit le référentiel. Puis l’esprit en fait la mesure, l’esprit produit donc du relatif qui par définition, ne peut pas être qualifié de “réel”.

La deuxième définition découle du fait que la réalité continuant après la mort de notre corps (ou pendant le sommeil profond), et tout le monde peut en témoigner, elle ne peut donc pas être assimilée à une production de notre esprit. On le voit bien chaque nuit, la réalité continue “sans nous”, sans aucune activité cérébrale.

La couleur est une production de notre esprit, donc la couleur étant relative elle n’est pas “réelle”, au sens de la définition qu’on vient de se donner. Mais qu’est-ce qui l’est ? Le rayonnement électromagnétique, qui est la source de la couleur, l’est. Tout le monde le voit (animaux, insectes, plantes, etc), et tout le monde le voit différemment, mais tout le monde le voit quand-même. Car il (et seulement lui) est réel, la couleur ne l’est pas.

—

Nous avons donc défini la réalité et nous n’avons pas défini l’esprit. Pour aborder la deuxième question, il y a une difficulté sur ce mot.

En effet en français, ce qu’on appelle “l’esprit” c’est le cerveau, c’est à dire que c’est la production de l’activité électrique de cette partie du corps. C’est un phénomène physique, car on peut facilement voir qu’il peut être dérangé, par exemple au moyen de drogue, d’alcool, de fatigue intense, de manque de glucose, de choc, etc. On pourrait donc remplacer ce mot par “corps/esprit”.

En anglais c’est une toute autre affaire. Les anglais utilisent le mot “spirit” pour désigner le mot “esprit”, mais pour eux ce mot a un tout autre sens : en anglais “spirit” est immatériel, un peu comme l’âme en français. C’est le mot “spirit” qui a d’ailleurs donné “spiritualité”, “spiritisme”, etc… donc on voit bien que ce mot qualifie ce qui n’est pas matériel, par définition. Et les anglais utilisent un autre mot, “mind”, pour parler de ce que les français appellent “l’esprit”.

—

(…)

—

Ce qui nous permet de conclure que : sans corps nous n'avons pas d'esprit, et donc nous n'avons pas de mesure de la réalité. C'est à dire que le "monde physique" disparaît avec la mort de l'esprit qui l'avait imaginé : avec les couleurs, les goûts, les textures, les formes, etc… car tout ceci est relatif.

En revanche, ce qui ne disparaît pas lors de la mort, c'est la réalité elle-même, qui est absolue et donc indépendante de nous, et dont nous n'avons qu'une idée indirecte.

C'est l'allégorie de la caverne[1] de Platon, dans laquelle le "monde d'en haut" représente la réalité, absolue et non mesurable, et où le "monde d'ici-bas" n'est qu'une ombre de la réalité (= affichant moins de dimensions que la réalité), et donc un mirage, dépendant : 1/ du point de vue de l'observateur (position, taille, etc), 2/ des sens de perception dont son corps dispose, et 3/ de la structure mentale qu'il veut/peut avoir (nombre de dimensions de la représentation).

Notes de bas de page

[1] Allégorie de la caverne — Wikipédia